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LE COMMERCE DE L’ALIMENTATION ET DE LA RESTAURATION ALIMENTAIRE

Le problème de la formation dans les entreprises de restauration alimentaire

 
22 octobre 2020 | Par Christian Latour | Chasseur de connaissances | Mérici Collégial Privé

Les bienfaits de la formation, un mythe bien entretenu ou une réalité ?

Concentration, rationalisation, restructuration sont des mots qui témoignent de changements structurels importants dans l’ordre économique actuel. L’industrie de la restauration alimentaire n’échappe pas à ces nouvelles règles. Le restaurateur des temps modernes doit savoir jongler avec un environnement d’affaires volatil, incertain, complexe et ambigu, des politiques publiques en mutation, un consommateur que l’on qualifie de plus en plus de caméléon, des développements technologiques qui, pour les néophytes, pourraient presque se comparer à de la magie, et finalement, une concurrence accrue où les restaurateurs ne se disputent pas seulement les parts de marché entre eux, mais également avec l’ensemble des commerces qui offre, d’une façon ou d’une autre, des produits de restauration alimentaire. Voilà quelques-unes des nombreuses influences auxquelles nous sommes soumis jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. Pour réussir dans cet environnement turbulent, nous n’avons pas vraiment le choix, nous devons nous mettre à la recherche de solutions nouvelles.

La solution à la mode… considérer notre personnel comme un actif précieux

La plupart des spécialistes sont du même avis, dans un environnement comme celui que nous venons de décrire, il n’y a qu’une solution : miser sur la performance de votre personnel.

Au cours des prochaines années, les entreprises de restauration alimentaire qui réussiront le mieux seront celles qui adopteront une stratégie de services à haute valeur ajoutée et qui se doteront d’une capacité de réponse fondée sur les savoir-faire et les compétences distinctives des personnes qui travaillent pour l’entreprise. [1]

Pour y arriver… la formation

La plupart d’entre nous ont acquis la certitude que la formation de la main-d’œuvre est devenue une nécessité absolue. Personne ne veut nier l’existence de ce consensus de plus en plus clair sur l’importance de la présence dans les entreprises de personnes compétentes comme facteur déterminant du succès des entreprises de restauration alimentaire.

Le constat

La formation du personnel doit maintenant se situer parmi les objectifs prioritaires du restaurateur. Elle représente, selon certains, l’une des rares avenues pouvant déboucher sur un avantage concurrentiel durable.

Et pourtant

C’est bien beau tout ça et c’est surtout très logique, mais il y a cependant un petit problème. On découvre une autre réalité beaucoup moins reluisante, moins attirante, très peu publicisée et la plupart du temps complètement oubliée par ceux qui vendent de la formation. Parmi les restaurateurs qui ont fait de la formation dans leur entreprise, il y a beaucoup d’insatisfaits. « La formation, c’est beau en théorie, le problème c’est que ça coûte cher et que ce n’est pas rentable… », entend-on. Trop souvent, les résultats ne sont pas concluants… « On nous avait promis une augmentation de la facture moyenne par client... j’attends encore cette augmentation », et, etc.

La réalité

La formation est effectivement une activité qui se paie en argent. Elle a, ou elle doit avoir, comme objectif de contribuer à améliorer la performance financière de l’entreprise. Au même titre que n’importe quelles autres activités entraînant des sorties de fonds, la formation doit générer directement ou indirectement à court, moyen ou à long terme un rendement sur le capital investi. Si ce n’est pas le cas, nous avons alors tout intérêt à jeter la formation en bas de son piédestal.

Avant d’en arriver là, il y a peut-être certaines choses que nous devons comprendre concernant la formation. Ce qui finalement nous amène à la vraie question.

La formation peut-elle véritablement contribuer à améliorer la performance financière d’une entreprise ou s’agit-il tout simplement d’un mythe très bien entretenu par les théoriciens et les vendeurs de formation ?

Dans les lignes qui suivent, nous verrons pourquoi, même après avoir réalisé une démarche complète de changements planifiés et avoir constaté, chiffres à l’appui, que théoriquement l’exercice pouvait s’avérer rentable, la plupart du temps, les résultats ne sont pas concluants.

Exemple

Après avoir identifié une situation qu’il considère insatisfaisante, un restaurateur décide de prendre les moyens nécessaires pour l’améliorer. Il entreprend alors une démarche planifiée de changements qui comprend quatre étapes : le diagnostic, la planification, la réalisation et l’évaluation. Après avoir réalisé les deux premières étapes, notre restaurateur s’attaque à l’étape cruciale, de la réalisation. Il organise, entre autres, par l’entremise d’un formateur expérimenté, un programme de formation spécialement conçu dans le but d’apprendre aux employés comment suggérer et vendre plus de boissons aux clients.

Pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, notre restaurateur se donne un mal fou pour mesurer les progrès réalisés. Bien sûr, son objectif est de vérifier si effectivement il est en train d’atteindre le but fixé qui était par exemple d’arriver à une facture moyenne par client de 15,50 $. Après plusieurs semaines de travail acharné, il arrive à la conclusion suivante : « La formation, c’est bien beau en théorie, mais ça coûte cher et ce n’est pas rentable. Le formateur m’avait promis une augmentation de facture moyenne par client. Tous mes employés ont reçu la formation et malgré cela, j’attends encore cette augmentation. » Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Le véritable problème de la formation

Pour que la formation soit une réussite, elle doit s’adresser à des individus qui possèdent la maturité nécessaire au changement.

La maturité au changement est définie de la façon suivante :

  • la capacité des individus à réaliser un changement ;

Nous pouvons définir les deux composantes de la maturité au changement comme suit :

  • Volonté (V) : Degré de volonté ou de désir qu’un acteur a de réaliser le changement.
  • Capacité (C) : Degré de maîtrise des connaissances, habiletés, attitudes et comportements des acteurs en rapport avec une intention de changement (en d’autres mots, c’est le niveau de compétence).

Maturité au changement (M) = Capacité (C) + Volonté (V)

Cette formule s’applique dans les opérations en tenant compte des quatre paramètres suivants :

  • Un changement donné ;
  • Un environnement donné ;
  • Un contexte donné ; [2]
  • Un moment donné dans le temps.

Nos deux variables s’évaluent sur quatre niveaux :

  • V1 n’est pas intéressé, ne se sent pas concerné par le changement.
  • V2 est plus ou moins intéressé, se sent plus ou moins concerné par le changement.
  • V3 est assez intéressé et se sent concerné par le changement.
  • V4 est très intéressé et se sent concerné par le changement.
  • C1 n’a pas les compétences nécessaires pour réaliser le changement.
  • C2 est plus ou moins compétent pour réaliser le changement.
  • C3 est assez compétent pour réaliser le changement.
  • C4 est très compétent et peut facilement réaliser le changement.

Cette formule s’applique de la façon suivante : le niveau de maturité s’obtient en retenant le plus bas des deux indices, soit de volonté soit de capacité en fonction d’un changement désiré, dans un contexte donné à un moment donné dans le temps.

Exemple :

  • V1 + C4 = M1
  • V1 + C4 = M1
  • V2 + C3 = M2
  • V4 + C3 = M3
  • V4 + C4 = M4

Le changement dépend non seulement de la maturité des employés, mais il est également tributaire de la maturité au changement du propriétaire et de la maturité du formateur à contribuer au changement. Le niveau de maturité peut s’exprimer de façon très différente, selon que l’on considère le propriétaire, les employés ou le formateur.

Pour le propriétaire, la maturité au changement = la capacité d’implanter le changement + la volonté de faire le nécessaire pour implanter le changement.

Pour les employés, la maturité au changement = la capacité d’accepter le changement et/ou de changer + la volonté d’accepter le changement et/ou de changer.

Pour le formateur, la maturité au changement = la capacité de contribuer au changement + la volonté de contribuer au changement.

Dans les faits, la capacité que nous avons de réussir le changement est fonction de la somme des niveaux de maturité au changement du propriétaire, plus celle des employés, plus celle du formateur.

Maturité au changement = Maturité du propriétaire + Maturité des employés + Maturité du formateur.

Donc, même si le propriétaire et le formateur sont au niveau M4, si les employés sont au niveau M1 alors la maturité au changement du groupe demeure M1.

La plupart du temps, les formations offertes dans les entreprises de restauration alimentaire sont incomplètes. Elles sont souvent une démonstration qui n’aboutit à rien d’autre qu’à mettre en valeur les capacités du formateur. Il est plutôt rare qu’on prenne le temps, avant d’entreprendre un programme de formation, de se questionner sur la volonté des individus. Et pourtant, cette volonté est souvent la déterminante de la réussite en matière de formation. Faire abstraction du niveau de volonté peut s’avérer, dans les faits, du gaspillage pur et simple.

Toute intervention de formation qui ne s’attarde pas expressément autant à la volonté qu’aux capacités est nécessairement vouée à l’échec. Il est inutile de donner de la formation à une personne qui n’a pas la volonté suffisante pour réaliser le changement demandé. Le travail sur la volonté est un travail beaucoup plus complexe que celui sur les compétences, car il demande une préparation différente. La volonté est une question d’attitude et de valeur. Il ne suffit pas qu’une attitude soit ébranlée pour que le changement soit implanté. Il faut, en plus, qu’elle soit remplacée par une autre attitude et que celle-ci soit intégrée au système psychologique de l’individu.

Pour leur part, les valeurs constituent les croyances quant aux façons d’être et d’agir. Elles constituent, dans la réalité, les composantes du cadre mental que se fait un individu pour lire et interpréter l’environnement dans lequel il interagit. Les valeurs sont des déterminantes importantes lorsque se constituent les images qu’un individu se fait de certaines réalités. Les valeurs et les attitudes sont des déterminantes de la volonté d’un individu.

Mise en garde

Trop souvent, les formateurs ne sont que des transmetteurs d’information, des annonceurs de belles et bonnes nouvelles. Ils peuvent très bien connaître leur matière et donner un spectacle parfois très divertissant. Malheureusement, trop souvent leur prestation n’entraîne pas les changements désirés.

Certaines interventions peuvent avoir un effet bénéfique pendant un certain temps sur la motivation. Si les employés sont des V1-C3 donc des M1, l’intervention d’un motivateur peut les propulser durant une certaine période au niveau V2-C3. Ils deviennent donc, durant cette période, des M2. Le problème, c’est que l’effet s’estompe après un certain temps, faute de suivi.

Pour obtenir des changements significatifs à long terme, on doit travailler à la fois sur les compétences et sur la volonté. Pour une performance de niveau 4, on doit avoir des compétences de niveau 4, mais également une volonté de niveau 4.

La formation est une activité complexe qui, si elle est réalisée de façon professionnelle, peut entraîner des retombées exceptionnelles. Malheureusement, elle peut également, pour les raisons que nous venons de présenter, conduire à des résultats médiocres.

CONCLUSION

La formation peut contribuer à améliorer la performance financière de votre entreprise, à condition toutefois de vous assurer de travailler avec les personnes qui ont la volonté nécessaire.


MÉDIAGRAPHIE

Manuel de gestion-réflexion / Christian Latour


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Notes

[1Les savoir-faire et les compétences distinctives sont une des 10 catégories de ressources clés des entreprises de restauration alimentaire.

[2Un contexte donné correspond à l’ensemble des circonstances et/ou particularités dans lesquelles s’insère le fait, l’événement.

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