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Investir dans les salles à manger, une priorité pour Saint-Hubert

 
11 avril 2025 | Par Bastien Durand
Crédit photo: Le nouveau restaurant Saint-Hubert du Carrefour Laval / Groupe Saint-Hubert

Le groupe Saint-Hubert annonce un investissement d’environ 50 millions de dollars dès 2026 pour la modernisation et l’ouverture de restaurants ainsi que pour l’optimisation de ses usines de fabrication de produits alimentaires. Après la refonte de ses menus en octobre dernier, l’une des plus vieilles chaînes de restauration québécoise s’adapte à une industrie en pleine mutation. Dans un long entretien exclusif retranscrit en discussion, notre éditeur, Robert Dion pose des questions à Richard Scofield, président du groupe, sur sa vision et la stratégie de l’entreprise.

Robert Dion : Aujourd’hui, quel est ton plus grand défi pour le groupe quand tu te lèves le matin ?

Richard Scofield : Je ne dirais pas que c’est seulement le matin, ça fait plus de deux ans qu’on essaye de relever un défi… Avec des constats et des changements structurants comme la transition de la salle à manger vers la livraison. On a modifié nos modèles d’affaires des années 2012 à 2019 car déjà avant la pandémie, la tendance était là.

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Une chaîne comme nous, qui a bientôt 75 ans, avec 122 restaurants dont 111 au Québec, on couvre large mais on s’est bâti avec des gros restaurants. Des restaurants qui datent de 40 à 50 ans avec des emplacements iconiques qui ont été construits dans un temps où la consommation de la restauration était différente.

Aujourd’hui, le monde va encore au restaurant mais les besoins ont changé un petit peu. On peut ajouter à ça le facteur télétravail qui affecte aussi l’achalandage en semaine. Tout ça ensemble fait qu’avec des infrastructures larges, qui coûtent chères et sont difficiles à opérer en prenant en compte beaucoup de pieds carrés à maintenir, à entretenir, à chauffer et à alimenter, c’est plus compliqué à supporter. Et donc, notre expérience n’est plus forcément en lien avec ce qu’on voudrait offrir.

RD : L’inflation qui a joué sur les prix en plus…

RS : Oui, sans aucun doute. Nos prix ont dû être ajustés et on s’est un peu perdu sur l’équation valeur au final. Tout en sachant qu’augmenter les prix n’est pas une solution à long terme, c’est un patch qui a d’ailleurs eu un impact sur l’achalandage. Il fallait donc aussi rebâtir l’équation valeur !

C’est ce qu’on a entrepris avec les annonces en octobre dernier et la révision de notre menu qui inclut des baisses de prix sur une centaine d’items. Il faut ramener les clients chez nous ! On sera pas au niveau de 2019, c’est clair mais il faut qu’on optimise et qu’on puisse “rentrer” plus de clients, notamment en salle à manger. Et ça prend du volume, on est des business bâtis sur le volume.

Pour revenir au bâti, on se pose des questions, sur des restaurants qui sont à 10, 12000 pieds carrés dans le temps, aujourd’hui, on privilégie 7500, 8000. Donc on rentre des clients et on rapetisse nos restaurants en équilibrant l’équation économique du restaurant à plusieurs niveaux.

RD : Est-ce que c’est surtout des corporatifs que tu bouges ou aussi des franchisés ?

RS : C’est un peu des deux côtés. Quand c’est corporatif, on contrôle le site, je n’ai pas la crainte de le perdre. Quand c’est un terrain qu’on loue ou un terrain qui appartient à un franchisé avec des contrats terminés, là c’est une évaluation. C’est à nous de travailler pro-activement pour chaque espace. Le succès d’être là depuis 70 ans, c’est aussi un de nos plus grand défis avec ce leg de bâtisses qui doit évoluer dans le temps. S’implanter au Carrefour Laval comme on va le faire, c’est une bonne chose, ça fit bien. L’ouverture est prévue à la fin de l’année (octobre ou novembre).

Le nouveau restaurant Saint-Hubert au Carrefour Laval.
Groupe Saint-Hubert

RD : Au Carrefour Laval, c’est possible que tu ne mettes pas de service au volant mais des boîtes à emporter vers un stationnement (curbside pick up en bon français) ?

RS : Du curbside pick up, oui.

RD : T’es capable d’adapter ton offre en fonction du marché donc…

RS : Oui et puis le “curbside”, je pense qu’au Québec, ça s’en vient maintenant. C’est une offre que l’on a créée durant la pandémie mais ça n’a jamais été un gros succès. C’est quelque chose que l’on travaille davantage pour nos restaurants qui n’ont pas de service au volant.

RD : Et en plus, à mon avis, Saint-Hubert, c’est plus du curbside que du service à l’auto. Pour moi là, c’est pas naturel d’aller chercher vos produits en service à l’auto. Donc je pense que le curbside peut faire partie d’un processus de développement important, non ?

RS : Effectivement. Il existe mais on doit l’améliorer et d’ailleurs il y a moins d’emplacements avec service à l’auto disponible, c’est clairement moins évident avec les politiques des villes. Dans le cas de Carrefour Laval, on va déjà gagner à avoir l’achalandage du centre commercial.

RD : Parle-nous un peu des nouveaux restaurants, de l’ambiance que tu veux désormais mettre là-dedans. Est-ce que tu t’en vas vers une orientation plus feutrée, plus “expérimentale” disons ?

RS : On a pris le temps de regarder l’image de la marque et le design des restaurants avec l’agence LG2. Maintenant les nouveaux restaurants vont venir chercher le “branding”, l’identité qu’on a perdue un peu et qui fait que lorsqu’on rentre, on se dit “Hey ! ça c’est un Saint-Hubert !” On a travaillé des éléments pour qu’on sente effectivement que c’est chaleureux, feutré et confortable.

Groupe Saint-Hubert

La dépense au restaurant coûte plus chère qu’auparavant, donc quand on va au restaurant, qu’on prend cette décision-là, on a le droit d’être bien, de sentir que c’est beau, que c’est confortable.

RD : Saint-Hubert va devenir plus confortable et chaleureux, j’aime ça !

RS : Oui et puis plus identifiable.

RD : C’est aussi continuer à améliorer l’expérience ?

RS : Absolument. On a toujours été connu pour un bon service, on a même été une école de service pour les restaurants dans le temps. Souvent je dis à mes équipes, pas besoin d’aller chercher loin dans le futur, il faut souvent retourner en arrière. Si on faisait ce qu’on faisait de bien avant, on serait déjà des années en avance de ce qu’on est aujourd’hui.

Ces dernières années, la pénurie de main-d’œuvre a amené nos gestionnaires et nos propriétaires à accepter des choses qu’on aurait jamais acceptées auparavant, pis là, il faut sortir de ça petit à petit. C’est correct de mettre les standards élevés et d’exiger plus en expliquant pourquoi on veut aller vers ça.

Groupe Saint-Hubert

Aujourd’hui, c’est plus une pénurie de qualité de main-d’œuvre à laquelle on fait face mais y a du choix donc ça se travaille. On voit qu’il y a une jeune génération avec du monde intéressé par l’industrie, qui veut apprendre et aller plus loin. Faut les nourrir, les encadrer pour arriver à mettre les standards élevés.

RD : On aurait nivelé par le bas pour s’accommoder…

RS : Oui juste parce qu’on avait personne.

RD : Avec tes nouveaux restaurants qui s’en viennent, vous croyez encore à la salle à manger ?

RS : Oui et c’est même un créneau qu’on doit exploiter davantage. On est capable d’accueillir des groupes, des familles, de s’adapter aux expériences mais on a pas mis assez le focus dessus. Je ne veux pas perdre de vue le Saint-Hubert qui a défini la marque au fil des années. C’est d’ailleurs toujours le premier choix quand on regarde un emplacement.

RD : Et est-ce que l’expérience peut être améliorée par la technologie ? Je pense notamment aux facilités de paiement ou à des services connexes plus présents.

RS : Absolument. Je pense que personne ne va dire au restaurant, j’ai du plaisir à effectuer le paiement. Donc si on peut rendre ce côté-là plus simple... Idéalement, quand on rentre dans un restaurant qu’on aime, on se fait reconnaître, on sait quelles sont vos préférences et on vous propose la table que vous préférez. Être capable de bonifier ça oui, mais par contre, chez nous, je ne crois pas que l’on soit capable de remplacer l’humain pour créer une expérience personnalisée. Ce n’est pas ce qu’on veut en tout cas. Le client a besoin d’un contact humain surtout dans les salles à manger.

RD : Dans les trade shows, on voit énormément d’automatisation en cuisine, qui fait qu’on peut remplacer des employés moins bien rémunérés ou qui ont moins de présence pour les clients par de la robotisation. Sans aller dans l’industrialisation de produits, est-ce que ça fait partie aussi de votre virage ?

RS : Oui. Et on est peut-être un peu en arrière là-dedans pour le moment. Les opérations sont très volumétriques. Je m’en vais d’ailleurs dans l’Est bientôt pour regarder des solutions.

Pour moi, ce n’est pas nécessairement remplacer l’humain mais laisser l’humain avoir plus de temps pour s’assurer de la qualité et de l’exactitude des commandes. C’est enlever les tâches qui n’ont pas de valeur ajoutée. Par exemple, mettre un panier de frites dans une friteuse, ce n’est pas quelque chose de gratifiant, mais s’assurer que la cuisson du poulet est parfaite et de bien le placer dans l’assiette, ça c’est de la valeur ajoutée pour le client et pour l’employé.

Groupe Saint-Hubert

RD : Quel est l’intérêt d’investir dans la recherche et le développement ?

RS : Je pense qu’il y a deux vocations. L’une, s’assurer que les produits que l’on sert aujourd’hui demeurent de qualité tout en les perfectionnant. Il y a des produits comme les salades qui nécessitent de toujours se réinventer. Et puis, on a nos classiques, certes, mais aussi nos nouveaux classiques comme le homard qu’on a lancé dans le temps.

L’autre c’est aussi de créer l’expérience. Dans le passé, le poulet rôti, c’était une destination, là c’est, on va aller manger du Saint-Hubert ! Oui, le poulet est là mais peut-être qu’il y a d’autres choses en gardant l’expertise rôtisseur et barbecue.

RD : C’est plus un centre d’expertise que de la R&D, parce que là-dedans tu vas tester de la technologie, des équipements, des méthodes, des présentations mais pas juste de la nourriture…

RS : Je vais même noter ce nom là... (rires) Mais oui, c’est ça les technologies, les façons de faire, les techniques de cuisson. Il y a aussi l’idée d’enlever la complexité qui peut y avoir dans une cuisine, avec entre autres, des thermo circulateurs. On est en train de regarder tout ça.

RD : Vous avez été les rois de la livraison. Saint-Hubert a été l’un des premiers livreurs de nourriture au Québec. Aujourd’hui avec toutes les plateformes, c’est quoi ta vision pour te démarquer ?

RS : C’est un jeu de technologie… On peut se distinguer par le service encore une fois personnalisé. Un livreur bien habillé, dans un uniforme qui représente la marque, ça a aujourd’hui toute sa raison d’être. Mais c’est sûr que le marché n’est plus ce qu’il était, la tarte a grossi, on est plus dans le marché de la livraison avec de la pizza pis du chinois… (sourire).

RD : Les programmes de fidélité, vous en êtes où, avez-vous des choses à nous annoncer ? (rires)

RS : On est avancé sur ça. En ce moment, nos équipes sont chargées de gérer les congés TPS, gérer le MEV-WEB et gérer les systèmes qui migrent vers le cloud. On va intégrer cette technologie-là pour le programme de fidélité. Mais d’abord le POS.

RD : Dernière question, promis. Est-ce que vous êtes encore en développement de sites ?

RS : Oui mais de manière opportuniste. Mon objectif n’est pas d’avoir 1000 restaurants mais d’avoir le bon nombre de restaurants, rentables, à la bonne place, adaptés pour les besoins des clientèles. Aujourd’hui, en prenant en compte les services de livraison, on dessert à peu près 88 % des portes de la province.

RD : Ah oui quand même…

Propos recueillis par Bastien Durand

Mots-clés: Québec (province)
Restauration

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