Janvier, rester ouvert ou pas ?
Après avoir roulé à fond de train pendant les fêtes de fin d’année, plusieurs restaurants voient leur achalandage baisser drastiquement au début janvier. Dans ce contexte, il peut être très tentant de fermer ses portes quelques semaines pour permettre à son personnel et à soi-même de recharger ses batteries. Mais est-ce une bonne idée ?
« La réponse est nuancée, avoue François Pageau, professeur en gestion de restaurant à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). Cela dépend en partie de la clientèle. Il ne faut pas seulement considérer la baisse du ticket moyen, il y a aussi le volume à prendre en compte. L’erreur courante est de traiter tous les mois de la même manière, alors que, pour certains établissements, le mois de janvier est particulièrement morose. »
Garder en vie sa lancée des fêtes
Guillaume De Chantal Thivierge, chef exécutif du restaurant Le Bienheureux à Sainte-Anne-de-Bellevue, réfute l’hypothèse selon laquelle janvier est obligatoirement un mois difficile pour la restauration. « Le plus dur pour nous, c’est après la Saint-Valentin, surtout pour un restaurant qui n’a pas de bar afin de profiter de la Saint-Patrick », raconte-t-il.
Pour lui, en janvier, les gens sont encore dans l’esprit des fêtes de fin d’année, « ils célèbrent l’Épiphanie et participent à de nombreux partys de Noël de bureau qui ne se font qu’en janvier ». Comme en décembre, Guillaume accueille beaucoup de groupes à cette période, ce qui lui assure un volume satisfaisant pour être rentable.
Si vous décidez de rester ouvert durant le premier trimestre, il est important de prendre des précautions et de s’adapter à la baisse possible d’activité certains jours. Janvier ne sera jamais le meilleur mois de l’année, tout comme février et mars. Il convient donc de contrôler et d’optimiser vos coûts. Si la clientèle d’affaires est au cœur de votre modèle, le retour au bureau progressif et quasi généralisé pourra améliorer la fréquentation de votre table.
Une occasion de se perfectionner
François Pageau conseille de se concentrer sur les frais variables les plus importants, soit la nourriture, les boissons et la main-d’œuvre. « Je recommande une option radicale, celle de vider les inventaires en proposant des menus spéciaux et des tables d’hôte », précise-t-il. Pour optimiser les ressources, vous pouvez adapter les horaires de votre personnel, réduire les heures d’ouverture et donner quelques jours de vacances.
Plutôt que de voir janvier, février et mars comme des périodes négatives, M. Pageau invite les restaurateurs à profiter des moments plus calmes pour :
• Former votre équipe pour la rendre plus polyvalente.
• Réaliser des travaux d’entretien, comme la mise à jour de votre équipement, repeindre ou réaménager la salle, nettoyer les hottes et les électroménagers ou changer les lignes de fût de bière.
• Mettre en place de nouvelles technologies, comme un nouveau logiciel de gestion de restaurant, faire des mises à jour ou ajouter de nouveaux produits ou offres, effectuer des tests.
• Développer vos menus en expérimentant de nouvelles recettes ou variantes en cuisine, ou préparer la prochaine saison en imaginant des évolutions.
• Avoir une réflexion stratégique en prenant le temps de planifier et d’évaluer l’avenir, rencontrer un spécialiste ou faire le point avec votre banquier ou comptable.
• Trouver des revenus additionnels en mettant sur pied un service traiteur, ou en privatisant une salle ou votre établissement.
Connaître sa situation et sa clientèle
Une autre option est de fermer quelques semaines en janvier ou février pour permettre à votre équipe de se reposer après le rush des fêtes.
Sandrine, propriétaire d’un restaurant familial en Montérégie pendant de nombreuses années, dans une zone sans bureaux, a toujours fermé 15 jours en janvier, juste après les fêtes. « Depuis plus de 25 ans, mes clients, après Noël et le Nouvel An, me disaient avoir moins d’argent, car ils devaient payer les crédits du mois précédent », se souvient-elle. La restauratrice précise que janvier et février étaient les mois les plus tranquilles, pour son restaurant.
Fermer est synonyme d’absence de chiffres d’affaires et donc de bénéfices, et vous prendrez le risque de voir certains membres de votre personnel vous quitter si la fermeture dure trop longtemps. Cependant, en cas de doute trop important, cette fermeture vous évitera de prendre trop de risque. Car dans un scénario catastrophe où janvier se passe très mal, vos profits annuels pourraient être affectés dès les premiers mois par des pertes, ce qui n’est jamais de bon augure.
« Le mot d’ordre est flexibilité », conclut M. Pageau.