Les chiens bientôt acceptés sur les terrasses des restaurants ?
Les animaux, notamment les chiens, ne sont pas les bienvenus sur les terrasses des restaurants et des bars, à l’exception des chiens d’assistance. L’industrie souhaite cependant un assouplissement de la réglementation en ce début de saison estivale.
« Je ne peux pas refuser systématiquement les gens qui ont des chiens, annonce d’emblée la propriétaire du Café Bohème à Tadoussac, Aurore Perrinel. De plus en plus de monde voyage avec son animal, alors on essaye de trouver une alternative. » Elle propose aux clients accompagnés de leur compagnon à quatre pattes de se mettre proche de la barrière qui entoure la petite terrasse de l’ancien magasin général, en attachant leur chien à l’extérieur. « Et on leur offre une gamelle d’eau. »
Le restaurant reçoit davantage de courriels de personnes demandant s’ils peuvent venir manger avec leur chien. « C’est toujours difficile de refuser un client, donc on essaie de se rendre accueillant pour tous. » Durant la pandémie, l’adoption d’animaux domestiques avait connu des records. Selon un sondage Léger commandé par l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ) publié en 2021, le nombre de pensionnaires à quatre pattes (chats et chiens confondus) dans les foyers de la province a augmenté de plus de 200 000.
Pourtant, la réglementation du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) interdit l’accès aux chiens sur les terrasses des établissements, exception faite des chiens qui « pallient un handicap » et des chiens-guides, qui peuvent aussi se rendre à l’intérieur.
« On s’est aperçu que malgré la législation en vigueur, de plus en plus d’exploitants accommodent les gens qui ont des chiens en fonction de leurs possibilités », soulève Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales pour l’Association Restauration Québec (ARQ), qui entame des démarches avec le MAPAQ afin d’assouplir la loi.
Droit de gestion
En Estrie, le Café Rouge à Bedford dispose d’une terrasse « assez grande ». Kathy Liberopoulos, l’une des copropriétaires, propose la même formule que le Café Bohème, avec la possibilité d’attacher les chiens à l’extérieur de la terrasse en offrant un point d’eau. « On ne veut pas aller contre la loi mais force est de constater que des familles se baladent avec leurs animaux en fin de semaine ou en vacances et ne veulent pas les laisser dans l’auto pendant qu’ils mangent. C’est normal. »
Des désagréments peuvent arriver avec d’autres clients. « Certains sont dérangés par la présence de chiens, même à l’extérieur. Peut-être aussi que la vue des chiens peut faire fuir certains clients, les enfants peuvent avoir peur des gros chiens par exemple. Même si le chien est bien élevé, il peut se mettre à aboyer, et c’est difficile de parer à toutes les situations, observe Aurore Perrinel. On ne va pas commencer à discriminer une race par rapport à une autre... »
De son côté, Kathy Liberopoulos pense même qu’autoriser les chiens en terrasse l’été augmenterait ses ventes. « Les gens se sentiraient moins mal de laisser le chien à l’écart, profiteraient pleinement du restaurant et consommeraient certainement davantage. »
Après plusieurs mois de réflexion sur le sujet, l’ARQ veut que l’on puisse appliquer un droit de gestion, « c’est-à-dire que la décision d’accueillir ou non les chiens relève de l’exploitant et non d’une réglementation ». En d’autres termes, il faut laisser la latitude aux restaurateurs de faire ce qui leur semble le plus adéquat pour leur établissement et leur clientèle. « On parle en plus ici de l’extérieur et pas de l’intérieur ; les risques sanitaires sont minimes. De même pour les allergies avec de l’air renouvelé en permanence. »
Cette façon de procéder conviendrait à Cybèle Bartolini, directrice de la Brasserie Bernard, situé à Outremont. « Nous avions autorisé les chiens à l’extérieur de la barrière l’été dernier mais cette année, je vais refuser systématiquement. La semaine dernière, une dame est venue avec son petit chien sur elle, et ça a dérangé les gens autour… Le MAPAQ l’interdit toujours, et je ne veux pas que ça influe sur notre établissement et nos clients habitués. »
S’aligner sur les États-Unis et l’Ontario
Chez le voisin américain, la Food and Drug Administration (FDA) autorise depuis avril 2023 aux chiens de s’asseoir à côté de leur maître dans les espaces extérieurs. Au Canada, la législation diffère d’une province à une autre. En Ontario, les chiens sont notamment autorisés sur les terrasses depuis le 1er janvier 2020. La loi autorise même les chiens à l’intérieur dans les lieux où l’on produit de l’alcool et où l’on sert de la nourriture qui a peu de risque d’être contaminée.
« Le fait que de nombreux touristes américains et ontariens viennent en vacances au Québec chaque année doit aussi être pris en compte dans l’équation, note le représentant de l’ARQ. Pour eux, c’est une incompréhension. Ils peuvent profiter des espaces extérieurs des établissements avec leur chien chez eux, mais pas au Québec. »
Aux côtés de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ) qui a des demandes similaires, Martin Vézina reste confiant vis-à-vis de sa demande : « Je crois que l’on a une position raisonnable concernant les terrasses extérieures et il y a un certain consensus parmi les exploitants ». Enfin, dernier argument mis en avant : « Cela permettrait de limiter les abus qui existent avec les "faux" chiens d’assistance, afin de décharger la responsabilité des restaurateurs ». Il faut maintenant être patient. « Une modification réglementaire prend entre 45 à 60 jours... On table sur la fin de saison, peut-être. »