Ouvrir en pleine pandémie, l’expérience du restaurant Le Bienheureux
Au pire de la pandémie, alors que le Québec a vu 3666 restaurants fermer leurs portes en deux ans selon les données du MAPAQ compilées par l’Association Restauration Québec (ARQ), quelques entrepreneurs téméraires ont décidé d’aller à l’inverse de la tendance et de lancer leurs nouveaux concepts contre vents et marées.
C’est le cas de Guillaume De Chantal Thivierge, un chef exécutif, qui vient de fêter en décembre avec son associé, Mario LaRose, les trois ans de leur établissement, le restaurant Le Bienheureux, à Sainte-Anne-de-Bellevue. Il se rappelle que la décision de faire le saut durant une crise n’a pas été facile, mais qu’il ne pouvait pas simplement retarder son projet indéfiniment non plus.
« J’attendais, j’attendais. Puis nous avons pu ouvrir en 2021, au milieu de la période Covid, épisode qui a malheureusement continué. J’ai pensé qu’il valait mieux commencer dans ce contexte avec un concept de steak house, un classique, pour se rassurer », se souvient-il.
Survivre
« Le premier été, nous étions principalement trois, moi, mon associé au bar et notre serveuse, son amie. Nous avons travaillé sans machine pour laver la vaisselle, de 11 h à 23 h, sans relâche. C’était un gros défi, mais il fallait tenir le coup », explique Guillaume.
Pour mieux cerner la possible clientèle, le restaurant a expérimenté différents horaires et concepts, comme les brunchs et les soirées spéciales ou corporatives, les lundis et dimanches soir. Mais il a finalement trouvé la bonne formule le concernant, soit des horaires classiques, du mercredi au dimanche. Guillaume souligne l’importance de tester des idées, « sans s’y accrocher trop longtemps si elles ne fonctionnent pas ».
En matière d’équipement, le chef a tranché. « Nous avons choisi des équipements comme des frigos offerts et un four basique qui a duré trois ans, car nous étions conscients des risques. Nous avons fait de la gestion raisonnable et mesurée », insiste-t-il. Les choses ont évolué depuis.
Photo fournie par le Bienheureux
Garder le cap et progresser
Le chef a tenu la barre, mais il conseille de continuer à grandir : « Nous avons évolué pour servir davantage de plats inspirés de la cuisine française et italienne, avec une touche moderne et de saison, et choisi d’ouvrir toute l’année, sans nous limiter aux gens de bateau l’été ». Il ne regrette pas ce choix aujourd’hui, car, malgré le stress, cela a rendu sa cuisine plus créative et amusante, en fonction des saisons, « plutôt que de faire la même chose tous les jours ». L’été 2023 et l’hiver qui a suivi, très bons en termes de fréquentation, l’ont bien aidé.
Guillaume, qui travaille des produits frais et majoritairement locaux, y compris ses aromates, a également bénéficié de l’influence de ses sous-chefs, dont son sous-chef actuel, à l’aise dans différents univers culinaires, lui a permis de changer plus facilement son menu régulièrement pour gagner en popularité.
Il a également fini par trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. « L’été dernier, en 2023, nous avons pu engager un peu de personnel supplémentaire, car nous avions plus d’argent », précise-t-il.
Bien gérer et recruter
Même lorsque les embauches ont commencé en 2023, il a fallu s’adapter. « Je réduisais mes propres heures pour conserver celles des employés. C’était indispensable pour garder notre personnel et le payer correctement », explique Guillaume.
Aujourd’hui, l’équipe de 15 employés, incluant les associés, un sous-chef et une gérante, assure le bon fonctionnement du restaurant. Il a commencé à recruter dès qu’il a senti que de travailler de 16 à 18 heures par jour n’était plus possible. Et cela tombait bien, car les finances pouvaient le permettre. En effet, trois ans seulement après l’ouverture, le restaurant n’a pas de dette et a atteint la rentabilité, un rare fait d’armes dans le domaine, même pour ceux qui ne se sont pas lancés en pleine pandémie.
Le maître de cuisine insiste sur l’importance de recruter un bras droit talentueux et complémentaire pour faire confiance. « Le sous-chef est aussi bon que moi et apporte des connaissances variées, ce qui est indispensable pour que le restaurant continue de s’améliorer. Il ne faut surtout pas stagner dans un secteur concurrentiel. »
Pour l’avenir, Guillaume envisage d’ouvrir le restaurant tous les jours en 2025 pour offrir plus d’emplois à temps plein. En attendant, le restaurant est en rénovation pour améliorer l’expérience client et augmenter le nombre de couverts par service.