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Claudine Roy (ARQ) : « La bataille est loin d’être gagnée »

 
25 août 2020 | Par Pierre-Alain Belpaire

Professeurs et étudiants préparent le retour en classes. Les journées raccourcissent. Les touristes - québécois - regagnent, lentement mais sûrement, leurs pénates. Bref, l’été touche à sa fin. Pour les restaurateurs, c’est l’heure des comptes. Un exercice délicat en cette terrible année 2020. Mais « septembre » rime aussi avec « rentrée politique ». Et pour l’Association Restauration Québec, cela signifie la reprise des combats pour sauver ce qui peut encore l’être.

Loin des travées parlementaires, dans son Auberge sous les arbres de Gaspé, Claudine Roy, présidente du conseil d’administration de l’ARQ, court, pour l’heure, d’un client à l’autre. Son établissement affiche complet et la dirigeante ne compte pas ses heures. Mais elle est fin prête pour les batailles automnales.
 

HRImag : Un été mouvementé, si on comprend bien ?

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Claudine Roy : Si vous saviez ! Il y a tellement de monde. Depuis mi-juin, puis en juillet et en août, on aura tourné à pleine capacité, comme l’an dernier. Ça roule à vitesse grand V. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne rencontre pas d’obstacles. Le premier défi reste la main-d’œuvre, comme pour bien d’autres restaurants ou hôtels ou comme pour nos amis agriculteurs. La PCUE, la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, ça a failli nous tuer. Certains étudiants ont refusé de revenir, d’autres ont choisi de nous quitter dès début juillet. Résultat : notre ami du Brise-Bise (le bistro voisin, ndlr) a fait des semaines de 80 ou 100 heures ; moi, en plus de gérer, j’ai fait des chambres, … Bref, ce fut un été totalement fou.

Mais cet « été fou », positif en termes de fréquentation, parviendra-t-il à sauver votre année, après un printemps à oublier ?

Non, car soyons clair : ce qui est perdu est perdu. Nous, en haute saison, on roule toujours à pleine capacité et ce, depuis des années. Et puis moi, ce qui me fait peur, c’est octobre, c’est novembre. Ces mois-là, on compte habituellement sur les touristes internationaux, sur les Français, sur les Européens, mais aussi sur les gens d’affaires. Sans eux, ça va donner quoi ? Je n’en sais rien…

Vous avez connu un bel été mais appréhendez les prochaines semaines ; du côté de Montréal par contre, les professionnels ont connu une saison estivale très difficile. Diriez-vous que l’industrie de la restauration québécoise est aujourd’hui divisée en deux réalités totalement différentes ?

Tout à fait. Durant l’été, le centre-ville de Montréal était vidé. C’était très triste à voir. Et même si ça semble aller un peu mieux ces derniers jours, ils vont aussi souffrir de l’absence de croisiéristes, de l’annulation des événements ou de la fermeture des terrasses. Les réunions, les C.A., ça se fait par vidéoconférence aujourd’hui. Et je crois que ce n’est pas demain qu’on verra le Centre des Congrès plein à craquer…

Craignez-vous que, tant en région qu’en milieu urbain, le pire soit à venir ?

J’espère évidemment que non, mais je le crains… Ça dépendra surtout de la COVID : s’il y a une deuxième vague, si c’est le retour du confinement, je ne sais pas qui va être capable de gérer et d’affronter ça. Pour nos entreprises, la bataille est loin d’être gagnée.

Depuis mars, les restaurateurs ont-ils reçu du fédéral et du provincial une aide suffisante, un soutien adéquat ?

Ottawa a sorti la subvention salariale d’urgence et je pense que ça a sauvé plusieurs entreprises. Côté provincial par contre, on attend toujours que le gouvernement annonce ce qu’il va mettre en place pour nous supporter. On a fait des demandes, beaucoup de demandes, mais on n’a pas encore reçu beaucoup de réponses. On attend la rentrée pour voir quel support on obtiendra.

À quoi attribuez-vous ce long silence et cette absence de réponses concrètes ?

Je pense que le gouvernement en a eu plein les bras avec cette crise-là. On n’avait jamais vu une telle pandémie. Ça prend un certain temps pour organiser l’aide, pour répondre à tout le monde, ça, je le comprends bien. On regrette toutefois que le projet de loi 61 ne soit pas passé, qu’il n’ait pas été adopté : ça nous aurait bien aidés. On espère que ça passera cet automne. On sent qu’on nous écoute, que le ministre André Lamontage fait preuve d’ouverture, tout comme le ministre Fitzgibbon, mais on attend des gestes concrets, un vrai programme d’aide pour les restaurateurs.

Revenons au palier fédéral : vous saluez la subvention salariale (SSUC), mais un autre programme, la Prestation Canadienne d’Urgence, aura fait grincer bien des dents. Comment expliquer la colère des restaurateurs à l’annonce de la prolongation de cette PCU ?

C’est bien joli, cette idée, mais nous, sur le terrain, on n’a pas de personnel pour travailler. Il y a des restaurants qui n’ont pas ouvert leurs portes à cause de cette PCU, d’autres qui ont réduit leurs heures d’ouverture. Tout ça à cause d’un manque de main-d’œuvre. Alors quand vous apprenez que le programme est prolongé…

En cette fin d’été et à la veille d’un automne qui s’annonce complexe, quelles aides attendez-vous de Québec ou d’Ottawa ?

L’ARQ a émis une liste de 28 recommandations. On veut des soutiens concrets. On veut évoquer avec les autorités la possibilité d’un remboursement de la TPS et de la TVQ pour les dernières périodes. On veut discuter du report du versement des taxes de ventes et autres. On veut avancer, enfin, sur la modernisation de la loi sur les permis d’alcool.

En plus de ces combats administratif et législatif, que peut offrir une association comme l’ARQ à ses membres ?

De l’écoute ! Je ne peux pas vous dire le nombre de messages ou d’appels que j’ai reçus de restaurateurs découragés, paniqués. Notre rôle, c’est de les aider, mais aussi de les écouter. Et à l’ARQ, ils peuvent compter sur des gens dédiés à cette industrie, qui se sont démenés de façon incroyable depuis le début du printemps.

Vous disiez en mars dernier que, « une fois cette tempête passée, notre secteur reviendra plus fort ». Le pensez-vous encore ?

(Elle soupire) Ça va dépendre de tellement de choses. Si on a une deuxième vague, si elle est plus forte que la première, si on n’obtient pas les aides dont je vous ai parlé… alors, la crise va être extrêmement difficile à surmonter. Mais je veux demeurer positive. Il y a de belles histoires malgré tout depuis mars : des restaurateurs qui sont parvenus à ne jamais fermer, qui se sont tournés vers le prêt-à-manger ou le take out ou qui ont réussi à s’inviter dans les épiceries de leur quartier. Il faut y croire. Il faut aussi comprendre que, pour s’en sortir, il faut être novateur, se réinventer. On ne peut pas baisser les bras. Surtout pas.

Vous êtes devenue présidente du C.A. de l’ARQ en novembre dernier, alors que l’économie se portait particulièrement bien. Moins d’un an plus tard, tout est bouleversé. Avez-vous eu l’envie de baisser les bras ?

Moi, je suis une « travaillante ». Et je n’ai jamais travaillé autant pour un conseil d’administration que durant les derniers mois. Au plus fort de la crise, je mettais plus de 60 heures par semaine sur ces dossiers. Pourtant, non, je n’ai pas eu l’intention de baisser les bras. J’ai un mandat de deux ans et je compte bien utiliser mon réseau de contacts et mon expertise pour aller au bout des choses. Avec la permanence de l’ARQ, avec Alain (Mailhot) et François (Meunier), avec leurs équipes, on va livrer la marchandise. On est en guerre contre un ennemi invisible. On est au front. Et on y restera tant qu’il le faudra.
 

Crédit photo : ARQ. Pour suivre l’ARQ :

Mots-clés: Québec (province)
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Restauration

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