ELLES PEUVENT ÊTRE FRISÉES, TENDRES, CROUSTILLANTES OU POMMÉES. OU ENCORE DOUCES, AMÈRES OU PIQUANTES. ELLES AURONT UNE SAVEUR OU UNE TEXTURE PARTICULIÈRE SELON LE TEMPS DE L’ANNÉE OU L’ENDROIT OÙ ELLES POUSSENT. CERTAINES VOLENT LA VEDETTE ALORS QUE D’AUTRES JOUENT LES ACCOMPAGNATRICES OU ENCORE LES FAIRE-VALOIR. MAIS UNE CARACTÉRISTIQUE LES RASSEMBLE TOUTES : ELLES SONT D’UNE EXTRÊME FRAGILITÉ.
Majoritairement apprêté et consommé cru, cet aliment-vedette mérite sans doute que l’on se pose davantage de questions à son sujet. De quelle manière conserve-t-on les salades et les laitues ? Comment éviter les risques de contamination ? Doit-on obligatoirement les laver même si elles sont prélavées ? Quels types de laitues doit-on servir dans un comptoir à salades ?
DU CULTIVATEUR AU RESTAURATEUR
Ces dernières années, de plus en plus de serres hydroponiques ont permis d’étirer la saison des laitues et des salades, qui se situait traditionnellement entre le mois de juin et la fin septembre. En dehors de cette période, le distributeur de fruits et légumes Hector Larivée s’approvisionne principalement en Californie et en Floride. « Quand je commande aux États-Unis, le producteur cueille les laitues, puis il se passe quatre jours avant l’arrivée dans notre entrepôt, explique Jonathan St-Jean, acheteur senior chez Hector Larivée. Dans le camion, on a une unité de refroidissement réglée à 4 °C. Cette température doit être maintenue en tout temps. »
Dès que la commande arrive dans les entrepôts, le personnel fait une inspection pour s’assurer que la température a été respectée durant le transport. Si le point de température est maintenu, elles peuvent être conservées jusqu’à deux semaines en entrepôt, précise Jonathan St-Jean. Lorsque le distributeur fait affaire avec des producteurs locaux, l’approvisionnement est plus court, tout au plus deux jours, mais le processus demeure le même.
Bien plus encore que dans le cas des autres légumes, la fraîcheur de la salade est un élément capital. Et pourtant, cet aliment s’avère difficile à conserver. Si la salade peut être grillée, elle ne doit jamais être congelée. Selon Jonathan St-Jean, il n’y a qu’une bonne manière de conserver une laitue : la maintenir en tout temps à une température de 4 °C. « Si on laisse une laitue au chaud, elle va faner, rappelle l’acheteur. Et si on la met dans l’eau pour tenter de la réhydrater, elle va se gorger d’eau. »
DES RISQUES SOUS-ESTIMÉS
En novembre et décembre 2017, la vague d’infections à la bactérie E. coli liées à la laitue romaine a alimenté les questions concernant ce fragile aliment. Les cas semblables à celui de 2017 sont plutôt rares : de mémoire, Didier Girol, spécialiste en hygiène et sécurité alimentaire agréé par le MAPAQ, souligne que le dernier cas québécois remontait aux années 1990. À l’époque, un restaurant avait envoyé une dizaine de clients à l’hôpital en raison d’une intoxication alimentaire liée à la salade.
En décembre, le MAPAQ a d’ailleurs rappelé que les feuilles de salade peuvent entrer en contact avec des bactéries, que ce soit au champ, lors de leur récolte ou lors de leur manipulation. Le spécialiste en hygiène alimentaire souligne que les cuisiniers ont souvent tendance à penser, à tort, que seules les protéines animales présentent de tels risques. « On oublie que les fruits et légumes peuvent rendre les gens gravement malades ; pensons simplement à la listéria, explique Didier Girol. Il faut se souvenir que dès qu’on transforme une laitue, on doit la conserver au froid. »
Pour éviter la propagation de bactéries, la laitue doit être réfrigérée entre 0 °C et 4 °C. Une salade qui possède toujours sa protection naturelle (c’est-à-dire qui n’a pas été coupée ni lavée) peut être conservée à une température ambiante. « Mais elle aura une durée de vie de 48 heures maximum. Ensuite, elle sera ratatinée, détériorée », souligne l’expert.
Depuis quelques années, un nombre croissant d’entreprises offrent aux restaurateurs des mélanges de salades prélavées. Didier Girol insiste sur un point : les salades doivent toujours être lavées avant utilisation. « Le MAPAQ le précise, et je le dis à mes clients qui ne veulent pas toujours me croire : même si les laitues sont prélavées, on a l’obligation de les rincer avant de les servir aux clients, avertit Didier Girol. Elles sont prélavées, et non lavées. » Il rappelle d’ailleurs que cette directive s’applique aussi à la luzerne et aux micropousses.
GRANDE FRAGILITÉ
Le mesclun, les épinards et les mélanges printaniers sont de petites salades très fragiles qui vont rapidement noircir et devenir détrempées. Les laitues iceberg et romaine se conservent beaucoup mieux et vont plutôt rougir, précise Jonathan St-Jean. Lorsque l’on doit créer un comptoir à salades, le choix de laitues a donc une importance capitale.
Charles Dufresne, directeur du développement culinaire au Groupe Restaurants Imvescor, teste fréquemment de nouvelles recettes à base de laitues. Il a réactualisé le comptoir de salades de Scores, rebaptisé Le Grand Saladier. Le menu compte notamment trois choix de salades de base (romaine, mesclun, mélange printanier, bébés épinards ou roquette) auxquelles on ajoute une grande variété d’ingrédients. « Dans nos salades mélangées, on choisit souvent le kale, la laitue niçoise ou le cresson, qui résistent mieux à l’ajout de vinaigrettes, précise Charles Dufresne. Il faut penser à quelque chose qui va bien se tenir, car nos salades ne sont pas faites à la demande. »
Pour s’assurer de la fraîcheur des laitues servies dans les 38 restaurants Scores du Québec, Charles Dufresne suggère aux franchisés de les trancher eux mêmes plutôt que de les acheter déjà coupées. « Elles ne sont pas moins bonnes, mais leur durée de vie est réduite », précise-t-il.
Le chef du développement culinaire conseille également de commander un produit à l’état brut et de le travailler soi-même, de choisir des laitues qui supportent bien l’humidité, d’utiliser de petits contenants et de les remplir souvent. Il suggère aussi d’installer un puits réfrigéré encastrable, style « mur de froid ». Ce type de réfrigérant permet le maintien au froid des salades, tout en évitant de les dessécher avec un rideau d’air (comme c’est habituellement le cas avec les tables froides traditionnelles).
Laitue chinoise, nappa, scarole, Little Gem, radicchio, kale, oseille sanguine... Si certaines salades n’ont pas besoin de présentation (comme la romaine ou l’iceberg), d’autres gagneraient à être connues, croit Jonathan St-Jean. Il vante d’ailleurs les mérites de la ficoïde glaciale, un produit haut de gamme qui, comme son nom l’indique, semble givré. Mais peu importe la variété, « il y a place pour la créativité », conclut-il.