Trois établissements, trois amis, trois associés. « Mais vous n’en aurez que deux en entrevue : J.-P. est en vacances. C’est l’un des nombreux avantages d’une équipe. » « Remarque que, comme par hasard, c’est le petit jeune qui manque à l’appel… » Connivence, complémentarité et impertinence... Le trio des Trois Garçons est à ce point soudé que Francis Gauthier et Julien Hamel peuvent, sans la moindre crainte, parler au nom du benjamin, Jean-Philippe Letellier.
Voici cinq ans, la joyeuse bande inaugurait, au cœur du Vieux-Québec, son premier établissement, Les Trois Garçons. Deux autres restaurants plus tard (les Sapristi de la rue Saint-Jean et du boulevard Champlain, ouverts respectivement en 2013 et 2016), les associés semblent toujours avoir autant de plaisir. « Tout a été vite. Très vite, concède Julien Hamel. Mais dans notre industrie, il faut oser prendre des risques, saisir les occasions. » « L’ouverture de deux autres restaurants n’a pas triplé notre charge de travail : elle l’a décuplée, précise Francis Gauthier. Il a fallu un certain temps d’adaptation, de réorganisation. »
Ces périodes de labeur intense leur ont fait prendre conscience de leur chance d’être une équipe. « À trois, c’est sécuritaire. Si on avait été seul, chacun dans son coin, on aurait fini par faire du 80 h / semaine et on se serait brûlé », estime Julien Hamel. « On a chacun nos forces, enchaîne son acolyte. Ça donne une certaine dynamique et ça permet de trancher lorsqu’il y a débat. »
L’univers dans lequel ils ont pénétré n’avait que peu de secrets pour eux. Jean-Philippe Letellier est en effet le petit-fils du créateur des célèbres restaurants Marie-Antoinette, tandis que les parents de Francis Gauthier ont fondé le Groupe Restos Plaisirs (Cochon Dingue, Ciel !, Café du Monde...). « Avoir de telles références dans le milieu, ça nous a sans doute permis d’éviter de commettre des erreurs, mais je ne pense pas qu’on puisse dire que ça nous a aidés, mentionne Francis Gauthier. Quand on avait rendez-vous à la banque, on y allait sans nos pères ! On s’est parfois fait regarder comme des fils à papa, mais ce n’était pas le cas. On a reçu des conseils, des mises en garde, des encouragements, ça oui, mais les décisions, on les prend à trois. »
Plus que leur ascendance, c’est sans doute leur formation qui a permis aux trentenaires de franchir la barre tant redoutée des trois premières années : ils sont en effet tous trois diplômés en sciences de la consommation. « On a beaucoup réfléchi avant de nous lancer et on a respecté la triple règle : localisation optimale du site, bonne négociation du bail, intense travail de marketing », résume Julien Hamel. Malgré tout, les débuts n’ont pas été évidents. « Le financement, le lancement, les ressources humaines… On a appris. Et on apprend toujours. »
S’ils estiment n’avoir pas encore l’expérience nécessaire pour donner des conseils aux autres, les deux hommes pensent que la nouvelle génération doit se méfier des messages « faussés » livrés par les nombreuses émissions consacrées à la cuisine. « C’est bien de faire connaître notre univers, mais bien souvent ça ne correspond en rien à notre réalité, regrette Francis Gauthier. Les horaires insensés, le plongeur qui ne rentre pas, les clients qui annulent, les sacrifices… tout ça, vous ne le voyez pas à l’écran. Il faudrait pourtant que les jeunes qui rêvent d’ouvrir leur établissement en soient conscients. Être doué en cuisine est une chose ; parvenir à faire durer un restaurant en est une autre. »
Photo : Julie Laliberté