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Personnalité HRI

Ann-Rika Martin : Ça commence... maintenant !

 
12 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Ses coups de couteau ont séduit les juges. Son sourire a conquis le public. Audacieuse, originale et créative, Ann-Rika Martin a brillamment remporté, en septembre dernier, la septième saison de l’émission Les Chefs ! diffusée sur les ondes de Radio-Canada.

Depuis son triomphe, la demoiselle de 28 ans n’a guère eu le temps de souffler. Elle a effectué un stage au Pérou dans un établissement haut de gamme, donné plusieurs conférences dans des écoles secondaires, accumulé les heures dans les cuisines de La Planque, à Québec, ou aux côtés de sa mère dans le café-relais familial de Lévis, O’Ravito… « Et n’oubliez pas les innombrables entrevues, souffle la dynamique cuisinière. Ça fait un horaire pas mal chargé. Le soir de la finale, j’ai compris que je pouvais oublier ce que signifie une vie "normale". Mais entendons-nous bien, ça vaut le coup. C’est juste différent. Une tout autre vie… »

CHROMOSOMES MÉDIATISÉS

Puisque « rien n’est jamais dû au hasard », Ann-Rika Martin rappelle que cette victoire est l’aboutissement d’un long et laborieux parcours. « Si vous saviez le nombre d’heures d’entraînement qui se cachent derrière Les Chefs !, glisse-t elle. J’ai travaillé avec trois lauréats d’éditions précédentes : Guillaume Cantin, Guillaume St-Pierre et Dominic Jacques. Ensemble, on a bossé, bossé et encore bossé. Mais ça, le public ne le voit pas, ne le sait pas. Gagner un concours d’un tel niveau, ça n’arrive pas sur un coup de chance. »

Et ça n’arrive pas non plus parce qu’on est une femme… Pourtant, dans les divers articles et reportages évoquant le succès d’Ann-Rika, nombre de journalistes ont insisté sur cet élément, rappelant que la Lévisienne était la première cuisinière à s’imposer dans cette compétition.

« On a davantage parlé du fait que j’étais une femme que de mon talent ou de mes réalisations, regrette la principale intéressée. Que ce soit clair : je n’ai pas gagné parce que j’étais une femme. Les deux autres finalistes, Romain et Laurent, avaient leurs chances. C’étaient d’excellents candidats, et ce serait dommage de dire qu’ils ont perdu uniquement pour une question de chromosomes. »

Le seul avantage de cette polémique aura sans doute été d’évoquer la place laissée aux femmes dans les cuisines de notre province et le traitement qui leur est réservé. « Ce n’est pas facile tous les jours, confirme celle qui exerce ce métier depuis déjà 14 ans. On nous en demande toujours un peu plus, on nous fait peut-être un peu moins confiance. Et je vous fais grâce de certaines réflexions… Mais, bon, ça forge le caractère ! Si on compare avec d’autres régions du globe, les femmes chefs en Amérique du Nord sont chanceuses. Même si tout n’est pas gagné… »

APPRENDRE ET PARTAGER

Entre son agenda surchargé et son envie de faire plaisir à tout le monde, Ann-Rika souligne que le projet d’ouvrir son propre restaurant ne figure pas à l’ordre du jour. « Pour l’heure, je veux plutôt voyager, emmagasiner de l’expérience et m’impliquer auprès des plus jeunes, confie l’insatiable perfectionniste. Mais je mentirais si je disais que ça ne me trotte pas dans un coin de la tête… »

 
 
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Pierre Birlichi : Relais des vignerons

 
30 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert

Pour beaucoup d’experts, le vin doit être abordé sous un angle technique, précis, théorique. Pierre Birlichi, lui, préfère comparer le vigneron à un artiste et le résultat de son travail à une sculpture, une peinture ou une poésie. « Le producteur a envie de connaître les émotions qui nous traversent lorsque l’on boit son vin », explique le président de Raisonnance et importateur de vins privés.

Et le vin, ce Français de 47 ans est tombé dedans quand il était petit. « J’ai eu la chance de grandir dans un environnement de bon vin et de bonne bouffe. » Originaire de Bordeaux, Pierre Birlichi naît dans une famille qui cultive la vigne depuis cinq générations. « Ma grand-mère avait des terres, et mon grand-oncle était dirigeant d’une maison de négoce », explique celui dont la plupart des souvenirs d’enfance sont associés au vin.

Après avoir amorcé sa carrière dans la négociation du café, cet économiste et ingénieur de formation enseigne durant plusieurs années dans de grandes écoles de commerce en France. En 2005, il emménage au Québec et y cofonde, un an plus tard, l’agence Raisonnance.

DU VIN ET DES RESTAURATEURS

Avec une dizaine de collègues, et sous l’impulsion d’Alain Rochard (Le Continental, Rouge Gorge), Pierre Birlichi élabore les bases de ce qui deviendra plus tard le Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins, plus connu sous l’acronyme RASPIPAV. Le Regroupement a grandi et compte aujourd’hui 43 agences désirant faire la promotion des vins d’artisans auprès d’une clientèle de connaisseurs, de curieux, mais aussi de restaurateurs.

L’importateur le souligne à maintes reprises : la vocation du RASPIPAV est et sera toujours de « travailler main dans la main avec les restaurateurs ». « Chacun d’entre nous a, dans son portfolio, des vignerons qui veulent être bus, mais qui veulent également que leurs bouteilles se retrouvent sur les plus belles tables, affirme Pierre Birlichi. Et Dieu sait qu’on ne manque pas de belles tables au Québec ! On a une diversité, une créativité et un génie qui ne demandent qu’à éclore. »

En 2018, le choix en importation privée est tellement vaste qu’un bon sommelier doit être en mesure d’offrir au chef ou au propriétaire de son établissement une identité tout à fait unique, martèle avec fierté le président de Raisonnance. Et de rappeler que l’importation privée représente un marché annuel de près de 150 millions de dollars au Québec, soit plus de six millions de bouteilles.

IMPORTER LES TENDANCES

Pierre Birlichi en est persuadé : ce sont les agences qui dessinent les tendances. « On vous amène ce qui sort des sentiers battus, mais également ce qui est réconfortant. » L’importateur rappelle que ce sont les agences qui ont fait découvrir aux Québécois les vins orange, ainsi que les vins nature, biologiques ou biodynamiques. « Si vous voulez connaître les tendances de demain et les vignerons qui vont s’imposer sur les tablettes d’ici deux ou trois ans, venez dans nos événements », recommande-t-il.

Et lorsqu’on le questionne sur la tendance à venir dans le milieu viticole, Pierre Birlichi demeure avare de commentaires. « Vous savez, c’est comme demander à Apple quelle sera sa prochaine innovation… Je préfère la garder pour moi ! »

 
 
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Nancy Lemieux : Silence, ça tourne !

 
9 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Tonnerre d’applaudissements le 28 novembre dernier quand, dans le décor feutré de l’InterContinental Montréal, l’Association Hôtellerie Québec décernait le prix Hôtelier de l’année 2017 à Nancy Lemieux, dynamique aubergiste de la municipalité de L’Islet. Si la propriétaire de l’Auberge des Glacis a raflé cette distinction malgré la farouche compétition offerte par le célèbre Château Montebello et la réputée Auberge des Gallant, c’est grâce à une idée aussi simple que brillante, mise en place à l’automne 2016 : Glacis.TV. « Eh oui, une webtélé dans une modeste auberge située dans un ancien moulin à farine de la Côte-du-Sud… Vous ne rêvez pas », s’esclaffe la lauréate.

Depuis qu’ils ont repris l’Auberge des Glacis voici 11 ans, Nancy Lemieux et son compagnon André Anglehart ont toujours voulu faire affaire avec des producteurs du coin et pousser au maximum la logique d’achat local. Que ce soit pour les viandes, les fruits et légumes ou encore les alcools, le couple a rapidement fait confiance à quelque 70 artisans de la région. Afin de les remercier, de les réunir et de « provoquer de fructueuses alliances », Nancy Lemieux a mis sur pied, il y a quelques années, le Souper des Producteurs. Mais pour aider leurs « partenaires » à se faire mieux connaître, les hôteliers, tous deux anciens journalistes, souhaitaient aller plus loin.

« On a tout simplement décidé de faire des reportages sur ces différents producteurs », explique celle qui officia notamment dans les bureaux de Radio-Canada en Abitibi-Témiscamingue. Grâce à l’aide du MAPAQ et d’une tierce journaliste, Danielle Laforce, les équipes de l’Auberge parcourent leur région, rencontrent leurs fournisseurs et mettent en lumière leur quotidien. « Ce ne sont pas des mises en scène ni de la publicité : c’est un vrai travail journalistique, insiste Nancy Lemieux. La seule condition pour apparaître dans ces clips de quelques minutes est de s’engager à les diffuser sur Facebook. »

À ce jour, quelque 35 reportages ont été réalisés et largement relayés sur les réseaux sociaux. En mars prochain, lorsque le MAPAQ retirera son aide, les hôteliers ralentiront quelque peu le rythme de production et se pencheront davantage sur des problématiques concrètes, comme la distribution ou les tendances. « Mais il est clair que nous continuerons, promet Nancy Lemieux. Pourquoi je mets autant d’efforts pour faire connaître ces producteurs ? Parce que ce sont mes attraits touristiques ! »

AVANT L’HEURE

Ces efforts et cette audace n’auront pas uniquement fait sourire les producteurs : ils auront également convaincu et séduit une clientèle toujours plus fidèle. « Pour certains, venir chez nous s’apparente désormais à un véritable pèlerinage », relève la propriétaire de l’Auberge qui célébrera, l’an prochain, ses 40 ans d’existence.

Pour expliquer le succès de son établissement, Nancy Lemieux multiplie les compliments et remerciements. Elle salue l’œuvre des précédents propriétaires, le cuisinier Pierre Watters et son épouse Micheline. Elle loue le sérieux et l’imagination de son chef, Olivier Raffestin. Elle félicite ses employés, « une incroyable équipe presque inchangée depuis 10 ans », et glisse au passage quelques amabilités sur les visiteurs, « toujours prêts à émettre des commentaires positifs et des suggestions constructives ».

Et lorsqu’on lui rappelle qu’elle-même ne doit pas être totalement étrangère aux bons résultats de l’Auberge des Glacis, la dame répond, dans un souffle, que sa meilleure idée fut sans doute de ne jamais suivre les tendances et les modes. « J’ai gardé mes nappes blanches. J’ai acheté “québécois”. J’ai fait confiance aux producteurs de la région. J’étais à la mode avant l’heure, sourit-elle. Au fil des ans, j’ai bien sûr apporté certaines modifications, comme l’organisation de conférences, de concerts ou d’ateliers de mixologie, mais en veillant toujours à ce que l’auberge conserve son authenticité, conclut celle qui assure ne pas regretter sa vie de journaliste. J’ai aujourd’hui le meilleur des deux mondes. »

 
 
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Antonin Mousseau-Rivard : Le chef devenu restaurateur

 
14 février 2018 | Par Katherine Boisvert

« Le train roule à fond, il faut en profiter ». Quelques mots, un clin d’œil, et voilà comment Antonin Mousseau-Rivard justifie les changements qui attendent le Mousso dès ce mois de février. Et quels changements ! L’espace original de l’établissement accueillera bientôt un bar à vins tandis que le restaurant déménagera dans un local adjacent. « Le nouveau Mousso sera un peu plus affirmé, un peu plus confiant », révèle le copropriétaire.

Avec sa cuisine à l’étage, l’établissement fera davantage de place aux cuisiniers, qui s’occuperont eux-mêmes d’une partie du service en salle. Cette décision permettra le partage des pourboires et offrira une expérience différente à la clientèle. Quant au bar à vins, il proposera des plats à la carte et « de petites assiettes à partager ». L’objectif : rendre le Mousso davantage accessible aux Montréalais.

Celui qui a touché à tous les métiers de la restauration se sent aujourd’hui davantage restaurateur que chef. « Je suis encore dans la cuisine, je crée encore des plats, mais après bientôt 18 ans de métier, je veux commencer à me coucher tôt et à avoir une vie », explique celui qui souhaite occuper une partie de son temps à gérer ses réseaux sociaux et ses apparitions télévisées.

Et cette qualité de vie, il souhaite également l’offrir à ses employés. À une époque où la pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres, le propriétaire du Mousso croit à l’importance d’améliorer les conditions de travail en proposant de meilleurs salaires, des heures plus flexibles et la possibilité de rester chez soi lorsqu’on est malade. « Depuis l’ouverture du restaurant, il n’y a pas eu de roulement : il n’y a que des gens qui s’ajoutent. Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles on se démarque : nos employés sont heureux. »

L’UTILITÉ DES RÉSEAUX SOCIAUX

Pour sortir du lot, partager ses idées ou se faire connaître à l’extérieur du Québec, Antonin Mousseau-Rivard mise, avec subtilité, sur le pouvoir des médiaux sociaux. Celui qui, voici trois ans à peine, n’était inscrit ni à Facebook ni à Instagram évalue aujourd’hui les choses autrement. « J’ai longtemps considéré que c’était une perte de temps, puis j’ai appris à travailler avec les réseaux sociaux, révèle-t-il. Cet outil-là est l’affaire la plus importante qu’il n’y ait jamais eu pour garder un restaurant en vie. »

Le propriétaire du Mousso est désormais suivi par de nombreux chefs internationaux sur Instagram et voit défiler dans son restaurant des clients des États-Unis et des pays scandinaves, intrigués ou séduits par ses publications électroniques. « Il s’ouvre de nouveaux restaurants toutes les semaines… Il faut donc se renouveler constamment et rappeler aux autres que l’on existe, sinon on va passer dans le beurre », avertit le restaurateur.

UN PARCOURS ATYPIQUE

Fils du chanteur Michel Rivard et de la comédienne Katerine Mousseau (copropriétaire du Mousso), Antonin est un autodidacte. « Je vois ce que je fais davantage comme un travail artistique. Je ne veux pas avoir la prétention de dire que je suis un chef, explique le petit-fils du peintre Jean-Paul Mousseau. J’ai tout appris par moi-même, alors je me considère davantage comme un créateur. » De son grand-père, il aura hérité la manière non conforme avec laquelle il travaille ses assiettes, avec des touches de couleur… ou de non-couleur.

Antonin a été refusé quatre fois à l’ITHQ. C’est donc sur le terrain qu’il a appris son métier. À 16 ans, il devient plongeur, « un poste que tout le monde devrait occuper avant de travailler en cuisine ». Puis un jour, il est engagé au restaurant Les Sarcelles, à Saint-Lambert, où il apprend les bases de la cuisine française, façon vieille école. Après avoir œuvré durant huit ans chez Frite Alors ! où il s’initie à la gestion de personnel, il devient traiteur, avant d’être engagé au Contemporain, le restaurant du musée du même nom. Il en deviendra chef-propriétaire aux côtés de sa comédienne de mère. « Je n’ai jamais réussi à me faire engager dans des endroits comme le Toqué ! ou Au Pied de Cochon. J’aurais aimé ça, confie Antonin Mousseau-Rivard. Mais si ça avait été le cas, je ne serais probablement pas là où je suis présentement. »

Sacré « Grand de demain » en 2016 par le prestigieux guide Gault & Millau, adulé par de nombreux chefs de la nouvelle génération, Antonin MousseauRivard doit toutefois fréquemment se justifier auprès de ses pairs d’avoir réussi à se démarquer sans avoir fait d’école de cuisine. Et bien qu’il reconnaisse que sa cuisine est anticonformiste, « elle ne crache pas sur les bases, soutient le chef de 34 ans. Certains croient que je me dis l’inventeur de la nouvelle cuisine québécoise, mais ce n’est pas vrai du tout : la roue tournait déjà avant. Notre cuisine est jeune, il reste beaucoup à inventer. »

Pour la mettre en valeur, Antonin Mousseau-Rivard rappelle l’importance de démocratiser les aliments et de partager ses découvertes. « Ce n’est pas en gardant les bons produits pour soi qu’on devient le meilleur. C’est en donnant les mêmes produits à tout le monde et en voyant qui va le mieux les travailler », affirme celui qui soutient plusieurs initiatives, telle la plateforme CHEF514 visant à mettre en relation cuisiniers et producteurs.

Chef, créateur ou restaurateur… peu importe l’étiquette, Antonin Mousseau-Rivard est l’autodidacte qui invite les Montréalais comme les visiteurs à découvrir sa table, préparée avec un plaisir évident.

 
 
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Annie Gauthier : Franchisée au grand cœur

 
5 février 2018 | Par Katherine Boisvert

« Le bonheur des clients débute par le bonheur des employés. » La phrase résume à merveille la philosophie chère à Annie Gauthier, propriétaire du St-Hubert de Val-d’Or. La franchise abitibienne a remporté à 11 reprises le Programme Excellence, qui distingue les meilleurs acteurs du réseau. La propriétaire attribue cet honneur à l’attention qu’elle porte tant à sa clientèle qu’à son personnel.

Diplômée de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Annie Gauthier travaille dans le milieu de la restauration depuis 35 ans. « Les leçons que j’ai apprises à l’école me sont utiles chaque jour », souligne cette fille d’entrepreneurs. Même devant la pénurie de main-d’œuvre ou lors des pires tempêtes de neige, la franchisée de 52 ans estime qu’elle ne peut faire les choses à moitié, négliger le service à la clientèle ou fermer plus tôt. « Quand tu perds un client, il va manger ailleurs. Le reconquérir sera très difficile », note la sage propriétaire.

INNOVER POUR RECRUTER

La pénurie de main-d’œuvre frappe durement l’industrie, à Val-d’Or comme dans le reste du Québec. Après un quart de siècle dans le giron de St-Hubert comme serveuse, gestionnaire, puis franchisée, Annie Gauthier estime que 2017 aura été l’année la plus difficile de sa carrière. « On a été frappés par un ouragan. Notre vie professionnelle et personnelle en a pris un coup », confie la responsable de la franchise abitibienne.

Il y a peu, Annie Gauthier a donc redéfini ses objectifs, en engageant notamment une gestionnaire qui s’occupe uniquement de la formation. « Une excellente décision », selon la propriétaire.

En Abitibi, attirer de la main-d’œuvre est une tâche colossale, les jeunes étant davantage intéressés par le secteur des mines que par la restauration. Mais la dynamique franchisée a refusé de baisser les bras. Au contraire. Pour contrer la pénurie et parler à la nouvelle génération, elle imaginait voici quelques mois une efficace campagne de promotion en ligne, regroupant employés actuels et passés. La responsable estime que c’est en usant de créativité qu’elle parvient à se démarquer au sein d’une grande chaîne comme les rôtisseries St-Hubert. « J’innove en matière de service à la clientèle, en matière de ressources humaines », énumère-t-elle.

ESPRIT D’ÉQUIPE

Énergique et positive, Annie Gauthier est aujourd’hui à la tête d’une équipe de près de 150 employés, pour lesquels elle souhaite faire une réelle « différence ». Puisqu’elle croit en l’importance de renforcer l’esprit de famille, la franchisée de Val-d’Or a organisé en décembre dernier une journée de Noël à laquelle toute l’équipe était conviée. Ce jour-là, les clients ont été servis par d’anciens employés, aujourd’hui devenus notaire, avocate, infirmière ou enseignante, qui ont spontanément accepté de donner un coup de main à leur ancienne patronne. « C’est leur manière de nous remercier pour le temps et l’appui que nous leur avons offerts lorsqu’ils travaillaient pour nous », souligne une Annie Gauthier soudain émotive.

Et du temps, celle qui possède un certificat en animation avec les jeunes en offre énormément à ses employés. Toujours prête à mettre son tablier et son filet pour soutenir ses cuisiniers, la franchisée prend également le temps de réconforter un membre de son équipe ou d’envoyer des fleurs à l’employée qui vient de perdre sa grand-mère. Dernièrement, elle a encouragé ses troupes à écouter le documentaire Bye, dans lequel l’homme d’affaires Alexandre Taillefer aborde le suicide de son fils. Il y a quelques années, elle avait même loué une salle de cinéma pour s’assurer que ses employés voient le documentaire Dérapages de Paul Arcand, portant sur l’alcool au volant. « Je ne saurai jamais si j’ai fait la différence », fait-elle remarquer, songeuse mais fière.

Grande sportive, Annie Gauthier s’est mise à la course il y a huit ans. Accompagnée de quelques employés, elle a couru 10 kilomètres au Marathon d’Ottawa. « L’année suivante, il y en avait 11. L’an dernier, 32 employés m’ont accompagnée ! »

 
 
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Jean-Luc Boulay et Jacques Fortier : Le cap de la quarantaine

 
31 janvier 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

« Vous avez besoin de combien de temps ? 10 minutes, ça suffira ? »

En ce neigeux mardi de décembre, le Saint-Amour vibre. Ses cuisines sont bruyantes, le porte-manteau déborde, la salle à manger affiche complet. « Et ce sera ainsi jusqu’au début janvier. Au minimum… » Les mains encore mouillées, l’esprit toujours à ses fourneaux, Jean-Luc Boulay s’assoit en soupirant. « Je préparais mes foies gras, ça va me faire du bien de prendre une petite pause. »

Pour le réputé cuisinier et ses collaborateurs, l’année 2018 s’annonce aussi exceptionnelle que mouvementée. Le célèbre Saint-Amour s’apprête en effet à franchir le cap de la quarantaine. « 40 ans… Ça ne me rajeunit pas, sourit le chef en s’essuyant les doigts. Ce restaurant, c’est mon bébé. Et cette équipe, c’est ma famille. »

Si ce collectif compte quelques nouvelles têtes, dont François Hughes, récemment nommé chef, on y trouve aussi de « vieux » compagnons de route, comme Pierre Lemay, qui a gravi tous les échelons jusqu’à devenir directeur général, ou Ariel Ramirez, un Dominicain incapable d’aligner trois mots de français à son arrivée et qui, en 25 ans de carrière, n’a jamais fait faux bond. « Ce sont tous de sacrés bosseurs, résume Jean-Luc Boulay. De toute manière, si t’es bourré de talent mais que tu n’es pas prêt à te retrousser les manches, ne viens pas frapper à ma porte. »

PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS…

En parfait mentor, le chef Boulay souhaite également que ses troupes apprennent, s’inspirent, grandissent. Le passage, dans les cuisines du Saint-Amour, de nombreux chefs invités, qu’ils soient d’illustres cordons-bleus français, de jeunes talents belges ou de créatifs cuisiniers japonais, doit leur permettre d’aller encore plus loin. « Pour eux, voir cuisiner Jean-Luc Rocha, c’est comme si Wayne Gretzky venait donner une leçon dans un club de hockey : tu ne peux pas ne pas en sortir grandi. Chacun de nos visiteurs nous laisse un héritage. »

S’il insiste autant sur l’importance du dépassement, c’est qu’après 40 années à la barre de son établissement de la rue Sainte-Ursule, Jean-Luc Boulay entend encore innover et surprendre sa clientèle. « On peut respecter les traditions tout en les bousculant légèrement », glisse celui qui affirme n’avoir aucun regret lorsqu’il jette un coup d’œil dans le rétroviseur. « Je ne suis pas du genre nostalgique, explique-t-il. Comme tous les chefs, j’ai été influencé par les modes, par les tendances. Mais même si j’ai conservé l’azote liquide ou l’usage des siphons, je ne pleure pas le temps de la gastronomie moléculaire. L’idée est de prendre le meilleur de chaque époque pour construire une cuisine qui plaise et, surtout, qui te plaise. »

Fortement médiatisé depuis qu’il a rejoint les rangs de l’émission Les Chefs !, cet amoureux du produit pose un regard critique sur la relève québécoise. « On y trouve du talent et de belles personnalités, bien sûr, mais dans l’ensemble, ils ont généralement tendance à aller trop vite. Ils oublient souvent que l’expérience, ça ne s’achète pas », laisse-t-il tomber. L’importance que trop de jeunes cuisiniers accordent au visuel par rapport au goût le fait également sortir de ses gonds.

« PAS ASSEZ SNOB »

Lancé dans un passionnant monologue, passant en quelques secondes du manque d’esprit corporatif des restaurateurs québécois à l’incroyable richesse du terroir boréal, Jean-Luc Boulay est soudain tiré de ses réflexions par l’entrée en scène d’un autre phénomène, son complice de toujours, Jacques Fortier. Les deux hommes sont bien plus que de simples associés : ils sont d’inséparables amis.

Le duo s’est formé à la fin des années 1970. Jacques Fortier effectuait des rénovations dans le restaurant qu’il avait récemment acquis dans le Vieux-Québec et se cherchait un chef. « Jean-Luc s’est proposé. Il a aimé mon projet, j’ai aimé sa vision. J’ai tout de suite su que ce serait un agréable compagnon », souligne l’homme d’affaires. Et l’entrevue prend, d’un seul coup, une tout autre envergure. Aux réponses organisées succède un dialogue enthousiaste, riche en répliques bien senties et aimables taquineries.

Persuadé qu’il n’aurait pas connu la même carrière s’il n’avait pas rencontré ce « véritable génie des casseroles », Jacques Fortier glisse que le seul défaut de son acolyte est sans doute ne pas être assez snob. « J’essaie de rester moi même, malgré les émissions de télé, malgré la notoriété », se défend le chef. Et les compères de railler au passage ces cuisiniers qui préfèrent rouler dans de rutilantes Mercedes plutôt que d’investir dans de nouveaux équipements de travail. « Ceux-là n’ont rien compris et ne tiendront pas longtemps », tempête Jean-Luc Boulay.

LE SENS DES PRIORITÉS

Installés sur une ruelle peu passante, les deux hommes estiment avoir été « condamnés à l’excellence ». « Mais le plus difficile, ce n’était pas d’atteindre le sommet : c’était de s’y maintenir, précise le chef. Le secret des établissements qui tiennent durant plusieurs décennies, c’est la constance, le travail, la régularité. Pourquoi pensez-vous qu’après toutes ces années, je m’amuse encore à venir faire mes foies gras ? Parce que j’aime ça, oui, mais aussi parce que je vise la perfection. »

Son partenaire opine. Et rajoute que les restaurateurs qui tiennent à durer sur la scène gastronomique doivent avant tout songer au plaisir de leur clientèle, ensuite s’inquiéter du bien-être de leurs employés et, en dernier lieu, penser à eux-mêmes. « Celui qui inverse cet ordre de priorités n’a aucune chance », martèle Jacques Fortier.

Et les deux amis de plonger dans leurs gourmands souvenirs, de multiplier les anecdotes cocasses ou émouvantes, de se remémorer tel canard exquis, tel poulet trop cuit, d’analyser l’évolution d’une clientèle toujours plus curieuse et exigeante…

Lorsqu’arrive — enfin — la question de la fin de carrière, le duo ne peut retenir un bruyant éclat de rire. « Le mot "retraite" ne fait pas partie de mon vocabulaire, confie Jean-Luc Boulay. Je m’amuse toujours autant. Le jour où je ne prendrai plus de plaisir à apprêter mes foies gras, inquiétez vous pour ma santé ! »

Évoquant ses précieux foies, le chef se rappelle soudain n’avoir pas achevé sa tâche matinale et, après une dernière boutade, prend congé pour retrouver ses chères cuisines.

L’entrevue aura finalement duré 1h20...

« Et vous me demandiez ce qui distingue les bons des meilleurs ?, intervient Jacques Fortier. La passion, mon vieux, la passion ! »

 
 
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Liza Frulla : Déclaration d’amour

 
1er février 2018 | Par Katherine Boisvert

Formation. Valorisation. Rémunération. Ces trois thèmes reviennent invariablement dans la bouche de Liza Frulla lorsqu’on évoque l’avenir de la restauration et de l’hôtellerie. Cette triple thématique, elle en a fait le cheval de bataille de l’ITHQ, l’établissement qu’elle dirige et qui célèbre son 50e anniversaire en 2018.

On l’a connue ministre provinciale et fédérale. On l’a vue commentatrice à la télévision. On ignore pourtant que le milieu alimentaire fait partie de son quotidien depuis l’enfance. Son père était boucher et son grand-père, propriétaire d’une épicerie-boucherie. « J’habitais au-dessus du commerce : quand je jouais au magasin, c’était avec de vrais produits. Ce sont des souvenirs qui sont précieux et très heureux », relate l’ex-journaliste sportive.

Détentrice d’un diplôme en pédagogie, Liza Frulla a été directrice du marketing à la Brasserie Labatt, où elle a assisté à l’émergence des microbrasseries. « J’ai été partie prenante de tout ce changement-là. Et tout ça m’a conditionnée psychologiquement. C’est alors que j’ai compris que l’univers de la restauration et de l’hôtellerie m’intéressait vraiment », raconte-t-elle.

Ancienne ministre de la Culture, Liza Frulla souligne que les chefs possèdent la même créativité, le même tempérament et la même vision que les artistes. « Ce n’est pas pour rien que l’on est fasciné par ces gens-là », fait remarquer l’actuelle directrice générale de l’ITHQ. À ses yeux, « certains chefs sont de véritables génies ». Rien de moins. Grâce à leur vision, leurs efforts et leurs recherches pour déconstruire puis reconstruire certains aliments, « l’ITHQ peut offrir ses services au ministère de la Santé pour développer des recettes pour les CHSLD, se réjouit-elle. Et l’on sait que ce sera bon. »

« LA RESTAURATION N’EST PAS UN LUXE »

« C’est une catastrophe, surtout en région », s’inquiète Liza Frulla à propos de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe l’industrie de la restauration. Et pour mettre un frein à cette problématique, elle rappelle la nécessité de revaloriser le métier. « Il faut qu’on arrête de penser que la restauration, c’est du luxe, lance-t-elle. Aujourd’hui, avec les parents qui travaillent et qui ont la "broue dans le toupet", c’est un besoin, un soutien à notre quotidien. »

Et si la restauration est un métier de passion, Liza Frulla croit d’autant plus à l’importance d’augmenter la rémunération afin d’encourager les jeunes à poursuivre leur rêve. Et de rappeler qu’en faisant carrière en service ou en sommellerie, on peut très bien gagner sa vie.

BRANCHÉ SUR L’INDUSTRIE

L’établissement d’enseignement célèbre en 2018 son 50e anniversaire. Pour rester au sommet durant toutes ces années, « l’ITHQ a toujours essayé d’être branché sur l’industrie et d’être en avant de ses besoins éventuels », croit celle qui siège au conseil d’administration de l’établissement depuis 2010. L’ancienne politicienne rappelle que la vision des différents gouvernements qui « ont mis leurs pierres à l’Institut » et les associations avec de grands noms ont également permis à l’ITHQ de se maintenir durant cinq décennies.

Et pour poursuivre sur cette voie, Liza Frulla estime qu’il est nécessaire de travailler en partenariat avec les autres écoles. « Il faut avoir un endroit qui serve de passerelle pour faire son cégep, puis avoir un diplôme universitaire », affirme la responsable. Elle signale d’ailleurs qu’elle a pris la barre de l’Institut en août 2015 pour une principale raison : amener l’ITHQ à décerner un diplôme universitaire. Et c’est en partie chose faite puisque, dès l’automne dernier, le gouvernement a entamé la révision du statut de l’ITHQ permettant à l’établissement d’enseignement de sortir du carcan de la Loi sur la fonction publique.

Célébrations du cinquantième, ententes avec des cégeps régionaux, mise sur pied d’une unité mixte de recherche appliquée avec l’Université Laval…, cette année 2018 s’annonce bien remplie, tant pour Liza Frulla que pour cet établissement avec lequel elle entretient une véritable histoire d’amour.

 
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